Acidification et réchauffement extrêmement rapides en Méditerranée nord-occidentale (in French)

Ayant analysé une série temporelle de haute fréquence acquise dans la rade de Villefranche-sur-Mer, des chercheurs du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (LOV/OOV, UPMC / CNRS) et de l’Institut des relations internationales et du développement durable (Sciences Po, Paris) ont mis en évidence les changements très rapides qu’a connu l’eau de mer dans cette région entre 2007 et 2015. L’augmentation de la température y a été plus rapide que partout ailleurs dans l’océan global et celle de son acidité l’une des plus élevées jamais mesurées dans l’océan. En conséquence, plusieurs organismes sont affectés, ce qui pourrait altérer la chaîne alimentaire méditerranéenne.

Les mers et océans sont affectés de multiples manières par les activités humaines. Il est bien établi que les rejets de gaz carbonique (CO2) par les activités humaines entraînent un réchauffement. Environ 25 % de ces rejets sont absorbés par l’océan, soit 26 millions de tonnes de CO2. Cela permet de limiter les changements climatiques, mais au prix d’un bouleversement de la chimie de l’eau de mer, notamment une augmentation de son acidité.

Il existe cependant moins d’une dizaine de séries temporelles à fréquence élevée permettant de documenter le rythme de l’acidification. Une série temporelle du CNRS-INSU(1) fait de la rade de Villefranche-sur-Mer un site unique pour étudier acidification et réchauffement de la Méditerranée nord-occidentale. Des prélèvements y sont réalisés à fréquence élevée (hebdomadaire) depuis 2007. Les échantillons sont analysés au Service national d’analyse des paramètres du CO2 porté par l’OSU Ecce Terra.

Les résultats montrent des changements extrêmement rapides. En rythme décennal sur la période 2007-2015, la température des eaux de surface a augmenté de 0,7 °C, soit beaucoup plus vite que dans l’océan global et côtier. Le pH a diminué de 0,0028 unités par an, soit une augmentation d’acidité de près de 7 %, ce qui correspond à l’un des taux d’acidification les plus élevés relevés jusqu’à présent.

La combinaison d’un réchauffement et d’une acidification élevés n’est pas sans risque sur les services rendus par les écosystèmes méditerranéens à la société (biodiversité, pêche, aquaculture, tourisme…). Les impacts de l’acidification sont variables, car les organismes marins ont des sensibilités différentes au pH. Plusieurs organismes planctoniques sont affectés, ce qui suggère que la chaîne alimentaire méditerranéenne pourrait être altérée dans le futur. Des organismes planctoniques sont des proies indispensables pour certaines larves de poissons d’intérêt commercial : une diminution de leur abondance aurait donc des conséquences sur la pêche. La plupart des organismes qui ont un squelette (coraux) ou une coquille (huîtres, moules) calcaire sont plus sensibles que d’autres, comme les bactéries et les virus.

Le réchauffement de la mer Méditerranée aura vraisemblablement des conséquences plus rapides et plus dramatiques que l’acidification. C’est notamment le cas pour les gorgones, qui ont subi des épisodes de mortalité massive lors de pics de températures. C’est également le cas pour les mollusques bivalves qui représentent un intérêt aquacole, avec une source de revenus, d’emploi et de nourriture importante. Des travaux antérieurs ont montré qu’une augmentation de 3 °C au-dessus du maximum estival de température conduit à une mortalité de 100 % des moules méditerranéennes.

Institut National des Sciences de l’Univers, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), 24 May 2017. Article.


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