L’acidification des océans met en danger la survie des calmars (in French)

Les calmars sont des maillons essentiels dans la chaîne alimentaire marine. Mais il apparaît que les céphalopodes sont particulièrement en danger en raison de l’acidification des océans.

La concentration de CO2 atteint désormais les 400 ppm par endroits dans les océans, événement qui ne s’était pas produit depuis plus de deux millions d’années. L’augmentation du gaz carbonique influe sur le climat par divers moyens. Il amplifie bien sûr l’effet de serre, mais modifie aussi les échanges de carbone à l’interface océan-atmosphère. L’océan absorbe 45 % des émissions anthropiques de dioxyde de carbone, et les transforme en acides carbonatés (bicarbonates, carbonates et dioxyde de carbone dissous). C’est le principal puits de carbone.

En raison de l’augmentation des émissions de CO2, l’océan transforme plus de gaz carbonique atmosphérique en ion carbonate, ce qui contribue à l’acidification des océans. En 150 ans, le pH de l’océan aurait diminué de 0,1. Si le chiffre peut sembler dérisoire, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une moyenne mondiale, et que dans certaines régions, la chute du pH peut être plus importante. Par ailleurs, s’il est difficile d’évaluer l’impact qu’une telle diminution peut avoir sur les espèces marines, l’intérêt sur la question est grandissant, puisqu’à en croire les prévisions du Giec, on pourrait bien atteindre les 1.000 ppm de CO2 et une chute du pH de 0,4 en 2100.

De plus en plus d’études sont menées pour évaluer au cas par cas la réaction d’une espèce à de telles modifications de son environnement. Le Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI) vient tout juste de publier ses résultats dans la revue Plos One sur le cas du calmar. Il semble que ce céphalopode soit grandement menacé par une acidification des eaux des océans. L’intérêt de l’étude s’est porté sur les calmars parce qu’ils sont importants tant écologiquement qu’économiquement. Certaines espèces sont consommables par l’Homme, sa survie est donc importante pour nous. Mais le calmar se situe au milieu de la chaîne alimentaire. Il impacte de près ou de loin un grand nombre d’espèces de l’océan.

Des calmars qui tournent en rond

Pour évaluer l’impact de l’acidité sur le développement du calmar, les chercheurs du WHOI ont pêché et ramené dans leur laboratoire des mâles et des femelles de l’espèce calmar totam (Loligo pealeii). Après accouplement, ils ont ainsi récolté entre 200 et 300 œufs fécondés qu’ils ont répartis dans deux bacs remplis d’eau de leur habitat (l’eau salée de Vineyard Sound, entre les côtes du Missouri et l’océan large). Chaque bac symbolisait un environnement différent. L’un était au contact de l’air libre en permanence, et représentait donc les conditions actuelles. Dans l’autre, l’air avait été enrichi en CO2, si bien que l’eau de mer était trois fois plus acide.

Les juvéniles se sont développés dans les deux environnements, mais les calmars baignant dans une eau plus acide ont mis beaucoup plus de temps à grandir. C’est déjà une grave modification du comportement, car plus le calmar reste sous forme d’œuf, plus il est vulnérable. En outre, leur taille finale était 5 % plus petite que la moyenne. Pire encore, ils avaient développé des statolithes petites et mal formées. Il s’agit de petits organes qui permettent au calmar de s’orienter correctement lorsqu’il nage. Sans statolithes, le calmar nage mal, tourne en rond et s’épuise beaucoup plus vite.

« Nous avons constaté un impact dans tous les paramètres que nous avons mesurés. C’est assez étonnant, explique T. Aran Mooney, l’un des auteurs de l’étude. Cela signifie que les calmars, animaux clés, pourraient être réellement affectés par l’environnement vers lequel nous tendons, et cela aura des répercussions sur toute la chaîne alimentaire marine. » L’équipe du WHOI prévoit d’approfondir l’étude pour déterminer le seuil de tolérance de l’animal face à l’acidification et au changement de température, pour essayer d’avoir une idée plus claire de l’ampleur de la menace qui pèse sur l’espèce.

Delphine Bossy, Futura-Sciences, 7 June 2013. Article.


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