Etudie depuis a peine dix ans, le phénomène est suffisamment inquiétant pour inciter la communauté scientifique mondiale a tirer la sonnette d’alarme. Dans une déclaration dite de « Monaco »W rendue publique hier a Nice, 150 chercheurs originaires de 26 pays mettent en garde l’opinion internationale contre l’acidification des océans, accelerando par les émissions de gaz a effet de serre et susceptible de nuire gravement a l’industrie de la pêche et aux écosystèmes marins.
“On s’est d’abord réjoui que les mers captent le quart du C02 rejeté par l’homme dans I’atmosphère, jouant le rôle de puissants putts de carbone “, résume Denis Allemand, directeur du centre scientifique de Monaco. “Mais a la fin des années 1990, on a commencé a en détecter les effets pervers. En produisant de I’acide carbonique, cette absorption de CO2 rend les océans de moins en moins alcalins. Elle ralentit et entrave la fabrication de calcaire nécessaire au squelette ou a la coquille de nombreux organismes “.
Sont notamment menaces les moules, les huîtres, le corail rouge pêche sur nos cotes jusqu’a 150 mètres de profondeur, de petits escargots constituant dans l’Atlantique nord, la nourriture principale des saumons. Et, bien sur, les récifs coralliens tropicaux qui servent de nurseries a de nombreuses espèces de poissons, protégent les cotes des tempêtes et de l’érosion.
Quelques raisons de ne pas désespérer
Cette acidification affecte plus les zones polaires que les mers tempérées. En augmentation de 30 % depuis le début de l’ère industrielle, elle pourrait tripler, si rien n’est fait, d’ici la fin du siècle. C’est pourquoi les scientifiques en appellent aux économistes pour chiffrer les dégâts, réclament des plans ambitieux de réduction des émissions de CO2 et demandent aux politiques de les mettre instamment en couvre.” Il faut réagir au plus vite” souligne le directeur de recherche au CNRS Jean-Pierre Gattuso, l’un des premiers a s’intéresser au phénomène d’acidification.
La crise mondiale diminue l’activité économique et donc les rejets dans I’atmosphère. Mais ne va-t-elle pas reléguer la protection de l’environnement au second rang des priorités ? “C’est effectivement un risque”admet Jean-Pierre Gattuso, en pointant cependant quelques raisons de ne pas desesp6rer. “Jusqu’ici, les Etats-Unis n’étaient guère préoccupés par les émissions de CO2 et les conséquences marines. Depuis I’élection d’un nouveau président, ils sont en train de changer leur fusil d’épaule. C’est réconfortent…”
Près des rejets de C02 du Vésuve, un désert marin
Au large de Naples et du Vésuve, l’île italienne d’lschia fait figure de laboratoire expérimental, de site privilégie d’observation. A proximité de ses cotes, sortent depuis plusieurs millénaires d’importantes quantités de CO2 en provenance du volcan actif. “Près de ces sources marines, on recense moins d’algues et de poissons” Jean-Pierre Gattuso. ”Plus grave, aucun organisme calcaire n’y vit. Cela montre qu’aucune adaptation ne parait possible”.
Ischia semble également démentir une récente et controverse publication. Océanographe biologiste a Southampton (Grande-Bretagne), Deborah Iglesias-Rodriguez affirme que loin d’être perturbes dans la fabrication du calcaire, de minuscules animaux marins, en grand nombre dans les océans, sont au contraire aides par l’acidification.« Ces coccolithophores sont capables de former des plaques de carbonate de calcium de plus en plus grosses au fur et a mesure que l’on augmente
artificiellement les concentrations en C02 » t- a un journaliste de The Independent, dont l’article a été repris la semaine dernière par Courrier International. La thèse de la chercheuse de Southampton provoque un tollé dans les milieux scientifiques. “Cette collègue” avance Jean-Pierre Gattuso “est la seule a émettre une telle hypothèse. Elle s’est peut-être trompée dans I’interprétions de ses résultats…”
Jean-Paul Fron, Nice Matin, 31 January 2009. Article PDF.