Nos émissions de gaz carbonique menacent la vie océanique. C’est l’alerte lancée par l’Union Européenne des Geosciences (EGU).
L’augmentation de la teneur de l’air en gaz carbonique constitue le principal facteur de l’intensification de l’effet de serre, et donc du changement climatique en cours et à venir. Elle est ainsi passée d’environ 280 ppm (parties par million) au 18ème siècle à 383 ppm aujourd’hui.
Mais une part importante – environ le quart – de nos émissions disparaît dans les océans (et environ autant dans la biosphère continentale). Depuis la Révolution industrielle, c’est plus de 400 milliards de tonnes de gaz carbonique supplémentaires (en sus des échanges air/eau permanents mais à l’équilibre) qui ont été injectés dans les océans. Aujourd’hui, c’est environ 25 millions de tonnes par jour ! Ce phénomène atténue le changement climatique… mais peut-il se retourner contre la vie marine ? C’est ce contre quoi alerte l’EGU, manifestant ainsi que l’inquiétude des biologistes marins s’étend désormais à l’ensemble de la communauté scientifique des sciences de la Terre. En témoigne cet extrait de son communiqué : « Les impacts de l’acidification de l’océan peuvent être aussi graves que ceux du réchauffement global dû aux activités humaines qui se superposent à la variabilité naturelle). La combinaison des deux effets risque d’en exacerber les conséquences, conduisant éventuellement à des changements profonds dans les écosystèmes marins et dans les profits qu’en tire l’humanité”.
Nos émissions de gaz carbonique menacent la vie océanique. C’est l’alerte lancée par l’Union Européenne des Geosciences (EGU).
L’augmentation de la teneur de l’air en gaz carbonique constitue le principal facteur de l’intensification de l’effet de serre, et donc du changement climatique en cours et à venir. Elle est ainsi passée d’environ 280 ppm (parties par million) au 18ème siècle à 383 ppm aujourd’hui.
Mais une part importante – environ le quart – de nos émissions disparaît dans les océans (et environ autant dans la biosphère continentale). Depuis la Révolution industrielle, c’est plus de 400 milliards de tonnes de gaz carbonique supplémentaires (en sus des échanges air/eau permanents mais à l’équilibre) qui ont été injectés dans les océans. Aujourd’hui, c’est environ 25 millions de tonnes par jour ! Ce phénomène atténue le changement climatique… mais peut-il se retourner contre la vie marine ? C’est ce contre quoi alerte l’EGU, manifestant ainsi que l’inquiétude des biologistes marins s’étend désormais à l’ensemble de la communauté scientifique des sciences de la Terre. En témoigne cet extrait de son communiqué : « Les impacts de l’acidification de l’océan peuvent être aussi graves que ceux du réchauffement global dû aux activités humaines qui se superposent à la variabilité naturelle). La combinaison des deux effets risque d’en exacerber les conséquences, conduisant éventuellement à des changements profonds dans les écosystèmes marins et dans les profits qu’en tire l’humanité”.
L’idée à l’origine de cette alerte est on ne peut plus simple. C’est en effet mécanique : plus l’océan pompe le carbone de l’air, et plus il s’acidifie en surface, sur les quelques dizaines de mètres où se concentre la vie marine. Le gaz va aller du milieu le plus concentré vers le moins concentré. Donc, plus nous émettrons du gaz carbonique dans l’air, plus la pompe océanique va fonctionner.
Cette modification de son pH pourrait constituer une nouvelle menace puisque les organismes marins sont, par définition, adaptés plus ou moins étroitement à l’actuel pH. Ce pH dépend étroitement de la teneur de l’air en gaz carbonique, et cette dernière n’a varié qu’entre 190 et 300 ppm depuis au moins 800 000 ans, selon les carottes de glaces de l’Antarctique et probablement depuis plusieurs millions d’années. Avec l’actuelle tenneur (383 ppm), il serait descendu de 8,2 à 8,1 en un siècle et pourrait chuter à 7,7 d’ici 2100 en fonction de nos émissions qui pourrait porter cette teneur entre 500 et 1000 ppm. Le chiffre semble petit au non spécialiste. L’important à comprendre, c’est que le rythme de ce changement est de 1000 à 10 000 fois plus rapide que celui intervenu entre les ères glaciaires et les interglaciaires… et avec une ampleur beaucoup plus grande.
Même si le terme populaire “acidification des océans” est un peu exagéré – le pH ne passera pas en dessous de 7 – à 7,7, certaines formes de calcaires, dont l’aragonite utilisée par de nombreux organismes (mollusques, coraux, coquillages, algues planctoniques…) pour former leurs squelettes deviennent solubles dans l’eau. Jean-Pierre Gattuso (Cnrs, Villefranche sur mer, Université Pierre et Marie Curie) a fait partie de l’équipe internationale qui a découvert en 1998 que cette acidification se traduisait par une diminution des ions carbonates biodisponibles pour les organismes marins qui les utilisent pour former leurs squelettes ( ici, le pdf d’un article que j’ai publié dans Libération sur l’acidification des océans).
Comme l’explique le communiqué de l’EGU, ce processus met en cause la base de la chaine alimentaireCorail océanique, le plancton (algues photosynthétiques, zooplancton), puis des maillons essentiels : petits coquillages, mollusques, coraux… Au total, c’est donc l’ensemble de la vie marine qui serait sapée à sa base. Déjà, des biologistes estiment que la santé déclinante de certains massifs coralliens, dont la Grande Barrière au large de l’Australie, pourrait en partie s’expliquer par ce début d’acidification. Même si l’on peut estimer qu’il y aura de “gagnants et des perdants” – au sens darwinien de ces termes – le bouleversement des écosystèmes marins fait partie des risques majeurs provoqué par nos émissions de gaz carbonique.
Des expériences et des mesures semblent donner raison à cette inquiétude. Même si de nombreuses questions restent en suspens, une étude ayant ainsi montré qu’une souche au moins d’Emiliana Huxleyi (un coccolithophore, une algue planctonique) se portait mieux dans une eau plus chargée en bulles de gaz carbonique (voir ici le pdf d’un article que j’ai publié dans Libération). En tous cas, l’EGU, par son communiqué, montre que la communauté scientifique des géosciences, bien au delà des biologistes marins, à pris conscience du problème et accélère son étude du sujet.
Au niveau européen, Jean-Pierre Gattuso coordonne le projet EPOCA (European Project on OCean Acidification) lancé en juin 2008 avec l’objectif d’étudier les conséquences biologiques, écologiques, biogéochimiques et sociétales de l’acidification des océans. Ce consortium réunit plus de 100 chercheurs de 27 institutions et 9 pays européens (Allemagne, Belgique, France, Grande Bretagne, Islande, Norvège, Pays-Bas, Suède et Suisse). Le site web de ce projet propose un blog qui diffuse l’actualité du sujet.
Sylvestre Huet, {sciences²}, 6 January 2009. Article.